Depuis le début de ma carrière, j’ai souvent accompagné des entreprises de services qui avaient pour modèle d’affaires d’accomplir des mandats forfaitaires ou en banque d’heures: développement d’applications, cybersécurité, production audiovisuelle, traduction, et bien d’autres. Les entreprises rencontraient couramment des obstacles qu’elles auraient pu éviter si elles avaient été mieux préparées à y faire face. En m’inspirant du site Mon Maçon était illustrateur, je me suis permis de faire un parallèle sympathique entre la livraison d’un mandat de services et la construction d’une maison. Vous comprendrez que je vous ai épargné les grandes lignes légales de la comparaison.
Sans plus attendre, voici donc une courte liste de ces obstacles et les pistes de solutions que vous pouvez mettre en place si vous ne l’avez pas déjà fait:
1. Votre équipe souhaite davantage obtenir la satisfaction de votre client plutôt que la rentabilité du projet signé.
Un client souhaite faire construire une maison avec un budget de 350 000$. Vous doutez de pouvoir réussir, mais vous acceptez. Votre équipe lui livre finalement la maison désirée en ayant travaillé pour l’équivalent de 400 000$ uniquement parce que le client n’était pas 100% satisfait de l’excellent rendu que vous lui aviez livré initialement.
Solutions potentielles : A priori, consultez un avocat pour vous assurer que les clauses de votre contrat sont claires et valides. Apprenez à dire non dès le début d’un projet ou d’une relation avec un client si vous ne sentez pas que la relation sera gagnante pour les deux parties. Et en cas de différences entre le budget du client, ses attentes et vos conditions durant un mandat, arrêtez le projet jusqu’à ce que cela rentre dans l’ordre.
2. Malgré la livraison d’un projet qui rencontre les attentes du client, votre équipe continue de travailler sur le projet puisqu’il n’est pas incroyable, renversant (et) superbe!
Vous proposez une première version des plans de la maison et votre client les accepte. Après réflexion et plusieurs heures de travaux supplémentaires, votre équipe lui propose une version améliorée des plans déjà approuvés (sans pouvoir charger les honoraires qui s’imposent bien sûr).
Solutions potentielles : La «surqualité»: cet ennemi qui bouffe vos marges parce que vous essayez de trop en faire alors que le client est pleinement satisfait de ce que vous avez fait. Pour éviter cela, validez dès le départ le niveau attendu de qualité et la portée des livrables signés. Informez votre équipe de ces paramètres et ajoutez possiblement des étapes de validation en cours de mandat plutôt qu’attendre uniquement à la fin. D’ailleurs, votre équipe devrait savoir qu’elle a une marge de profit à dégager d’un projet. Si votre client ne paye pas pour un projet incroyable, renversant et superbe, votre équipe ne devrait pas en lui livrer à tout prix… ou apprenez à votre directeur de compte à faire comprendre la valeur ajouté de la qualité du super projet qu’il pourrait avoir si son budget était plus grand.
3. Les communications de votre chef de projet avec son équipe sont insuffisantes en termes de qualité ou quantité.
Votre client paye pour une façade en maçonnerie. Votre chef de projet mentionne à son équipe que la façade doit être construite en maçonnerie, mais ne lui mentionne pas le revêtement des autres murs. Votre chef de projet part en vacances… Résultat : votre équipe construit les 4 côtés en maçonnerie à ses frais!
Solutions potentielles : Vos devis doivent être clairs et accessibles. Les paroles s’envolent, mais les écrits restent! Une réunion de début de projet ( surnommée «kickoff meeting») pourrait aussi être implantée pour que les divers intervenants puissent comprendre clairement la portée de leurs interventions (et ne pas défoncer les budgets attribués).
4. Les communications de votre chef de projet avec votre client sont insuffisantes en termes de qualité ou quantité.
Votre client demande à votre chef de projet s’il est possible d’ajouter une cave à vin dans sa maison. Il acquiesce, mais ne mentionne pas à votre client qu’il y aura des frais supplémentaires. À la livraison de la maison, vous remettez les clés à votre client, accompagnées d’une facture de 25000$ pour les frais encourus. Croyez-vous sérieusement qu’il sera enclin à la payer facilement?
Solutions potentielles : Généralement, un chef (chargé, directeur, etc) de projet s’occupe de s’assurer du bon déroulement d’un projet alors que le directeur de compte gèrera possiblement l’aspect monétaire de celui-ci. Si une modification qualitative devait toucher aux bonnes conditions de déroulement d’un projet (retard d’une date de livraison, obstacle rencontré, etc), votre chef de projet devrait avertir votre client le plus rapidement possible pour gérer ses attentes. S’il devait y avoir des dépassements de coûts (et que les clauses de votre contrat vous le permettent…), votre directeur de comptes devrait l’informer tout aussi rapidement pour obtenir son aval. Il n’y a rien de pire que de travailler pour rien…
5. L’évaluation de départ n’est pas révisée en début de projet.
À la demande de votre client, vous effectuez une évaluation du coût de la construction d’une maison en fonction des informations qu’il vous a fournies. Rendu à la phase de construction, vous prenez connaissance que le terrain est contaminé et que cette information ne vous a pas été mentionnée.
Solutions potentielles : Dès le début d’un projet, vous devriez inclure une étape de mise à jour du devis avec toutes les informations disponibles. Il est toujours mieux de valider davantage et d’ajuster un devis que d’avoir de mauvaises surprises et de ne rien pouvoir faire. Vous pourriez aussi faire inclure certaines clauses à vos contrats pour vous protéger. À nouveau, je vous invite à consulter un avocat spécialisé en droit des affaires.
6. Votre équipe de réalisation se déresponsabilise face aux tâches qu’elle doit effectuer.
Un de vos fournisseurs ne valide pas la qualité des poutres qu’il vous fournit. Une fois les premiers murs construits, vous constatez un affaissement.
Solutions potentielles : Chaque intervenant dans la livraison d’un mandat doit être sensibilisé au rôle et aux responsabilités qui lui incombent pour en assurer le succès. Sélectionnez les membres de votre équipe de réalisation soigneusement afin que votre méthodologie, votre qualité et votre soucis du détail soient respectés en tout temps. Recommencer des travaux en raison de la nonchalance d’un des membres de votre équipe peut s’avérer très cher.
7- Votre équipe utilise une nouvelle technique expérimentale qu’elle ne maîtrise pas.
Vous revenez d’Expo Habitat Québec hyper-enthousiaste après avoir vu de nombreuses avancées technologiques dans les revêtements extérieurs. Vous décidez que vous allez en inclure un lors du prochain projet sur lequel vous soumissionnerez. À la pose de celui-ci, vous vous rendez finalement compte d’importantes limites et cela vous prend trois fois plus de temps pour l’installer.
Solutions potentielles : L’utilisation de nouvelles techniques est tentante. Qui ne veut pas faire des économies de coûts, avoir une réputation d’innovateur ou réduire son empreinte environnementale? Mais les premières démarches ont un prix! Peut-être devriez-vous établir un budget de R&D en temps et argent pour effectuer des tests AVANT de vous lancer officiellement dans l’utilisation de celles-ci. Un projet-pilote peut également être une bonne idée.
8. Votre équipe débute, avance et complète presque un mandat sans que le client ait exprimé clairement ses attentes au départ.
Votre client vient vous voir avec un croquis dessiné sur le coin d’une table. Vous procédez au lancement du chantier de la maison selon les «plans» embryonnaires de votre client plutôt que d’attendre le plan définitif de votre architecte. Votre client vous informe qu’il est insatisfait du résultat final et vous blâme sévèrement pour le rendu final.
Solutions potentielles : Assurez-vous que le projet proposé par le client est clair et compris par votre équipe AVANT de le commencer. Faites-lui signer un document approuvant les étapes du projet et le rendu attendu.
En définitive, vous devez simplement contrôler l’ensemble des éléments de votre environnement que vous pouvez contrôler en début, en cours et à la fin du mandat tout en optimisant la communication avec les diverses parties prenantes de votre projet. L’utilisation de logiciels facilitant les approbations et la gestion de projets peut être envisagée. Bref, mettez toutes les chances de votre côté pour réussir la croissance de votre entreprise et prenez un pas de recul pour augmenter la rentabilité de vos projets!